Image et réalité

L’image, en tant que représentation de la réalité, est un concept qui a fait son temps. Notre époque vit dans une logique où l’image a remplacé le réel, en ce sens qu’elle devient le référent autour duquel notre perception s’organise. En effet, une image, quelle qu’elle soit, se suffit à elle-même ; accrochée à un mur en tant qu’élément décoratif, elle change notre perception du lieu ; projetée sur un écran ou diffusée par un média, elle déverse du sens et modifie nos repères spatio-temporels, remplaçant l’ici et maintenant par un ailleurs diégétique.
En ce sens, notre siècle a fondamentalement bouleversé le statut de l’image ; de pléonasme (pour adopter une terminologie grammaticale), elle a accédé au rôle de complément d’objet, voire, parfois, de proposition principale.
Conscient de cela, l’artiste, en tant que créateur d’images, ne peut plus se contenter de sublimer un réel-référent de l’œuvre ; mais son rôle est plutôt d’arracher et de révéler la substance même qui permet à l’image son accession au statut de réalité. C’est dans l’alchimie qui préside à la gestation de l’œuvre qu’il a le plus de chances de pénétrer ce secret. C’est pourquoi, tel le chercheur qui reproduit inlassablement son expérimentation en variant ses paramètres, je refais toujours la même expérience. Mes paramètres sont les matériaux, les supports, les sujets, les instruments, les accidents, et, en dernier lieu, moi-même avec mes émotions, mes frustrations, mes états d’âme et mon vécu. Une fois les paramètres calibrés, l’acte de création, (c’est-à-dire l’expérience elle-même), s’organise comme un colloque dont les interlocuteurs seraient ces paramètres eux-mêmes.
Ce processus induit des relations entre la cognition, l’émotion, et les processus moteurs (le geste et les rapports physiques avec la matière) à plusieurs niveaux. Tout d’abord, dans le projet, c’est-à-dire, avant l’acte lui-même où la réflexion est d’ordre didactique. Ensuite, pendant l’acte, où ma pensée oscille entre intuition, pulsion, et réflexion. Enfin, après l’acte, où le regard remplace le geste et élabore un bilan entre analyse et émotion.
Pablo Lopez. Modèle Travel. Fourni par Blogger.